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deux n’ont eu qu’un même principe. La philosophie s’égara lorsqu’après avoir renversé de monstrueuses superstitions, elle voulut aussi proscrire les sentimens religieux qui n’offriraient pas à l’écrivain des ressources inépuisables, s’ils ne donnaient pas généralement à l’ame plus de repos, à la persévérance plus de facilité, au génie même plus d’espérance. Les religions se discréditent quand elles défendent de raisonner, quand elles se déclarent maladroitement inconciliables avec l’étude de la sagesse, quand il faut n’être plus un homme pour n’être pas rejeté comme un impie.

Dans leur acception primitive, la religion serait un vœu de la sagesse, et la philosophie serait la recherche des principes que consacrerait nécessairement une religion divine. Toute loi essentielle ne peut-être que l’application faite à l’homme des rapports moraux établis à jamais entre tous les êtres sensibles et intelligens. La philosophie observe plus particulièrement ces rapports dans l’intérêt perpétuel de l’homme qui doit les suivre ; la religion s’y conforme afin de rendre hommage au législateur suprême. Tandis que nous sommes entraînés par un sentiment d’analogie reculée avec le mode inimitable dont nous adorerons les grandeurs, la simple raison découvre dans les effets de notre organisation des moyens d’ordre et de contentement. C’est le même résultat promis au nom du ciel, ou obtenu par l’intelligence que le ciel aussi nous a donnée. Les mêmes abus, les mêmes faiblesses peuvent altérer la morale déguisée sous les formules du dogme, ou livrée aux illusions de l’esprit, aux inimitiés même des sectes, à l’entraînement des disputes. Mais on s’occupera efficacement de la rendre à la lumière, si on réunit la pé-