Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion n’est que l’abus du genre. S’il a paru généralement défectueux c’était par incohérence, bien plus que par inanité. Soirvent même ces sortes d’ouvrages abondent en idées, et les sentimens y surabondent quelquefois. Lorsqu’en parlant d’un homme qui sait vivre à la ville et à la cour, et qui ne sait rien de plus, Werther dit : Je prends mon voisin par sa main de bois, il n’y a pas absence d’idées. Dans Faust, Marguerite éprouve les affections qui peuvent conduire au désespoir lorsqu’elles sont réprimées amèrement et sans retour. Un auteur classique ferait usage des mêmes sentimens ; la différence consisterait à les exciter par des moyens plus naturels.

D’autres ont préféré définir la littérature romantique une littérature nationale. Mais elle différera beaucoup chez les Écossais ou les Saxons, chez les Finlandais ou les Dalmates. Si on forme de ces différentes littératures nationales un ensemble opposé à la littérature d’imitation, à celle qu’on peut accuser d’être renouvelée des Romains et des Grecs, on sentira que l’alliance entre les deux genres devient inévitable. L’Europe, dont presque toutes les parties se communiquent avec tant d’activité, ne connaîtra plus qu’un même art d’écrire ; les nuances entre les différens pays ne seront pas marquées beaucoup plus qu’entre les différens auteurs. On ne distinguera sur le globe que deux grandes divisions, notre littérature occidentale dont s’écarteront peu les deux Amériques, et la littérature asiatique à laquelle se rattacheront quelques ébauches africaines.

Dès aujourd’hui les deux genres sur lesquels on dispute encore se concilient très-bien aux yeux d’un véritable critique : tous deux demandent du génie et tous deux ont