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Note N. (p. 219)

Il est un autre travers assez fréquent. Il consiste à prétendre qu’on a plus que d’autres besoin de richesses, et qu’on se connaît des titres particuliers pour acquérir de l’argent, ou en répandre avec quelque abondance. Cela peut réussir ; on peut rencontrer des gens assez complaisans pour prendre au mot celui qui, sans être forcé à quelque représentation, s’avise de dire : Il me faut un cabriolet, une berline, un cuisinier. Si au contraire des hommes qui craignent le ridicule, se voyant dépouillés de leur fortune, mais retenus dans la ville, souffrent et se taisent, ce silence pourra leur nuire. On ne prendra pas la peine de remarquer, d’après leur manière d’être, qu’ils ne seraient tout-à-fait à leur place qu’en disposant d’un grand revenu, et que s’ils approuvent surtout une vie simple dans des lieux convenables, ce n’est pas une raison pour eux d’aimer la gêne dans une capitale.

Une vie simple est aussi un don du sort, et quelque fois il est plus difficile à la raison d’obtenir cette douce obscurité qu’il ne le serait à la passion de se procurer de l’opulence. Mais une médiocrité sans choix, sans sécurité, sans ordre ne produit que tristesse et malaise. Jamais nous ne sentons mieux combien, dans nos mœurs, on peut rester étranger auprès des autres, que quand nous nous trouvons chez des amis, et quand nous y sommes sans plaisir, parce que les temps nous ont été contraires, parce que