Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Allons plus loin dans ce genre de suppositions. Comme un homme peut quelques fois se figurer, jusqu’à un certain point, qu’il est anachorète ou flibustier, esclave ou amiral, et même castor, lamentin ou chameau, l’intelligence suprême pourrait, tout en existant seule, admettre les diverses suppositions possibles des modifications de l’être. Ainsi la pensée de chacun de nous peut n’être qu’un des songes particuliers de la pensée éternelle, et, parce qu’il faut que toutes ces pensées s’accordent, nous nous croyons au milieu des choses. Cette hypothèse même ne détruirait pas l’attente de ce que nous nommons une autre vie. De certains rôles plus approuvés pourraient se prolonger. Tel d’entre nous pourrait passer d’une demeure à une autre durant de longs âges. Un songe serait de dix de nos journées ; un autre serait d’un million de siècles…

Note G. (p. 34)

Quand aux inadvertances particulières, j’ai eu occasion de faire voir (en parlant du Génie du Christianisme,) que Clarke lui même ne les avoit pas toujours évitées.

Cet endroit du texte a dû être abrégé. D’autres passages l’ont été aussi par une raison semblable. On assure qu’assez généralement les Français montrent une certaine crainte de la métaphysique, la croyant peu compatible avec l’esprit de salon. Entre le Rhin et la Loire la métaphysique paraît étrangère en quelque sorte, ainsi que la