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siers qui recevaient, comme un présent du ciel, ces fruits du génie et d’un véritable enthousiasme, dont ils ne pouvaient ni embrasser l’ensemble, ni prévoir les influences. Mais aujourd’hui, tout législateur qui ne parlerait pas à la raison seule, serait un fourbe, et celui qui voudrait enchaîner les générations futures aux combinaisons de son génie, serait un tyran.»

Condorcet.

On assure qu’Anquetil du Perron a dit un jour, étant à Surate : « Les anciens sont les premiers Brahmes, les Sabéens, les peuples de la haute Égypte, et ce qui les a précédés en Afrique ou en Asie. Les modernes sont les Tyriens, les Grecs, et la race pétulante issue du mélange des Barbares. Lycurgue qui fit un peuple tout militaire, et cependant très-attaché à ses lois, semble avoir réuni, autant que les circonstances le permettaient, les deux manières, ou le génie des deux âges. Les anciens ont eu les idiomes sacrés, les doctrines secrètes, les hiéroglyphes, les pyramides ; les modernes ont le chapiteau corinthien, le vaudeville, la poudre d’artifice, les batailles géométriques, et la discussion perpétuelle. L’avantage paraît être en faveur des modernes ; ils sont plus amusans, et s’il ne leur est guère permis de suivre la baguette d’un grand sacrificateur, du moins ils se donneront le plaisir de se croire libres au milieu des recherches de leur agitation laborieuse. »