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LE NOTAIRE JOFRIAU

l’autre, silencieusement pleurèrent. Puis, pour la centième fois, ils repassèrent ensemble les incidents de la nuit fatale :

— Michel, l’homme n’a donc pas prononcé une parole ? Parfois le son de la voix, l’accent sont des indices qui peuvent mettre sur une piste.

— Je te l’ai répété, pauvre amie, pas un mot. Toi-même, alors que j’étais sans connaissance, n’as-tu rien saisi quand il a commandé son cheval ?

— Un coup de cravache, ce fut tout. Mais, sais-tu, Michel, j’ai toujours eu l’idée que ce chemineau, qui m’avait vendu des fourrures dans l’après-midi, était revenu nous voler, la nuit.

— Je l’ai souvent pensé moi-même, et c’est très plausible ; mais le marchand m’a paru grand et mince, tandis que le voleur semblait de forte carrure et de taille moyenne.

— Un déguisement ou un manteau ont pu changer son apparence, et tu devais être si bouleversé !

— Ah ! j’aurais dû lui arracher le lainage qui cachait sa figure et y projeter le rayon de ma lanterne. Cela eut mieux valu pour l’identifier que ce chiffon de cuir, unique et vaine preuve du passage de ce misérable. Pourquoi t’obstines-tu à garder cet objet qui doit attirer sur nous la malédiction, à cause de son infâme provenance. Donne-le moi que je le brûle et que nous nous débarrassions au moins de ce souvenir-là.