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LE NOTAIRE JOFRIAU

— Eh ! Eh ! riait malicieusement l’autre, c’est pas mal rare à cause de ce papier qu’est disparu. As-tu vu des voleurs prendre ces choses-là ? Ça rapporte pas ben des écus sonnants. Excepté, comme de raison, si quelqu’un avait intérêt à les faire disparaître. Des fois que la famille de la dame de Sérigny aurait du regret de voir passer dans d’autres mains un si beau bien. Ou ben, le notaire avait p’tet besoin d’argent. Ça coûte cher pour vivre comme eux autres.

— Et pis, Prime, as-tu vu sa dame y a queque temps, qui étrennait de la belle pelleterie ?

Un silence, des regards qui se croisent, des lèvres qu’une moue avance, un branlement de tête approbateur et entendu, et le doute, l’affreux doute était né. De Prime à son voisin, de Toussaint à son beau-frère et de celui-ci à d’autres, l’odieux soupçon cheminait. Et Michel vit la méfiance s’allumer au fond des prunelles de ceux qui le saluaient encore, mais froidement. Son cœur se brisait devant le flot montant d’hostilité qui grossit de jour en jour, venait battre l’îlot de son honorabilité professionnelle et de son bonheur familial. En plusieurs circonstances, et pour accommoder les gens, Michel avait perçu les rentes seigneuriales. Un jour, il apprit qu’un fermier qui avait l’habitude de le prendre pour intermédiaire était allé payé sa rente au seigneur lui-même, comme s’il avait eu peur de confier de l’argent au notaire. Cette preuve de méfiance poussa celui-ci à bout.