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LE NOTAIRE JOFRIAU

l’aimait beaucoup. Les deux époux cédèrent donc encore au désir catégoriquement exprimé de leur fille, se promettant d’aller eux-mêmes la chercher plus tard.

Les préparatifs se firent rapidement et Suzanne, au jour convenu, s’embarquait avec les trois Ursulines sur « La Légère » pour cingler vers l’Amérique.

— Allez et soyez heureuse, enfant chérie, lui avaient dit ses parents en l’embrassant au départ. Le pauvre père avait regardé s’éloigner le navire, jusqu’à ce qu’il fut devenu un point imperceptible à l’horizon. Puis il retourna avec sa compagne, vers le logis qui lui paraîtrait si vide sans la présence de l’adorée.

Un contingent de colons envoyés par le ministre de France, à la demande de l’intendant Hocquart, se trouvait à bord de « La Légère ». Un seul étranger, jeune anglais dont les manières et l’apparence révélaient la haute naissance, s’était joint à ce groupe de voyageurs français. Quoiqu’il parlât très couramment leur langue, il évitait tout rapport avec les passagers. Il ne venait sur le pont que lorsqu’il le savait désert et s’y promenait longuement, toujours seul.

Vers les dernières semaines, la traversée devint mauvaise et les tempêtes successives jetaient la terreur parmi les voyageurs. Ils étaient devenus une grande famille que liaient leurs communes angoisses. Arnold Prickett, devant la détresse de la jeune fille française