Page:Senécal - Le Notaire Jofriau, 1935.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
LE NOTAIRE JOFRIAU

cité passionnée couvaient toujours, n’attendant qu’une occasion de se manifester.

Pour ses parents, les désirs de la jeune fille étaient des ordres ; elle commandait et on lui obéissait en l’adorant. Les câlineries dont elle savait entourer son père et sa mère donnaient l’illusion que leur tendresse était payée de retour. Ils ne s’en rendaient pas compte, mais jamais les caresses de Suzanne n’étaient plus enveloppantes que lorsqu’elle avait résolu de les faire céder devant quelque nouvelle extravagance.

Au demeurant, mademoiselle Duval-Chesnay n’était pas méchante. Pourtant, poussée à bout, on la sentait capable d’aller jusqu’à la cruauté. On l’avait tant adulée qu’elle croyait l’univers fait et crée pour son plaisir.

À cette époque, la jeune fille française, surtout celle de province, vivait dans une tour d’ivoire, couvée, protégée, surveillée, elle n’avait de contact avec le monde que sous l’œil prudent de sa mère ou d’un sûr chaperon. Madame Duval-Chesnay, grande dame d’une suprême correction, aurait voulu trouver chez sa fille les mêmes exquises qualités. Mais Suzanne faisait fi des remontrances et des recommandations, au grand scandale des matrones de la société.

Tout le monde, à Rouen, connaissait le notaire Duval-Chesnay et l’estimait. Ses concitoyens admi-