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LE NOTAIRE JOFRIAU

val-Chesnay, approchait la flamme de la petite figure dont les yeux clignotaient devant la lumière. Si, le soir, un rayon de lune traversait la pièce où reposait l’enfant, ses petits bras tendus vers la raie lumineuse, indiquaient l’objet de ses exigences ; on s’empressait alors d’y placer son berceau. Mais aux soirs où sa convoitise portait sur une étoile suspendue à la voûte sombre, le père, désolé et impuissant, tremblait devant les pleurs de colère et les petits poings crispés de sa despotique fillette.

« Cette enfant aura une volonté qui voudra jusqu’à la passion, disait-il, non sans une secrète fierté. Sa femme hochait la tête, plus inquiète que flattée de ces dispositions ; le pronostic de son mari la faisait frémir. Mais elle demeurait sans force et sans pouvoir devant l’idolâtrie bien avérée du père pour sa fille et le croissant égoïsme de celle-ci. Au long de son enfance et jusqu’à son entrée chez les Ursulines, Suzie se pâmait si on faisait mine de lui résister. Heureusement que l’instruction et la formation qu’elle reçut chez ces Dames et ses propres réflexions, car elle était intelligente, parvinrent à contenir le torrent impétueux de sa volonté et à diriger ses penchants, sinon à dompter tout à fait sa fougueuse nature.

De sorte qu’à sa sortie du couvent, vraiment belle, instruite et distinguée, douce et pondérée en apparence, Suzanne passait pour une jeune fille accomplie. Au fond, des instincts impérieux et une téna-