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LE NOTAIRE JOFRIAU

Par un mystérieux décret de la Providence, il avait été envoyé en Amérique avec le brigadier général Murray quand celui-ci y était revenu en 1758. Il était à la tête de son régiment dans le village même où il avait accompli le forfait dont il gardait l’humiliant souvenir. Pour en continuer la réparation, demeurée le mobile de sa vie, il s’efforçait de faire tout en son pouvoir pour sauver les citoyens de Varennes des vexations et des outrages de la soldatesque. Il se rendait à l’endroit qui lui avait été assigné comme gîte pour la nuit, quand il entendit des vociférations avinées et de grands coups frappés dans une porte. Il retourna sur ses pas et vit, avec un choc au cœur, une bande de soldats, attaquer la maison qui avait été le théâtre de son inoubliable crime. Thomas s’élança vers les hommes pour tenter de les détourner de la porte qu’ils voulaient enfoncer et les éloigner. Mais ceux-ci l’écartèrent brutalement. Voyant la persuasion inutile, le capitaine prit le ton de commandement auquel nul soldat anglais ne résiste et leur ordonna de passer leur chemin. Les soudards se retirèrent en murmurant ; mais l’un d’eux, plus ivre que les autres, et furieux de renoncer au logement que même dans son ivresse il a jugé confortable, il transperça de sa baïonnette l’officier qui tomba en poussant une plainte rauque.

Derrière les volets entr’ouverts, le notaire Jofriau et sa femme ont suivi la terrible scène, craignant à tout instant de voir la porte céder. Marie-Josephte