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LE NOTAIRE JOFRIAU

— Je vous en prie, ne me parlez pas ainsi, vous me torturez. J’ai été si coupable envers vous !

— Coupable envers moi, vous, Suzanne ?

— Oh ! oui, si vous saviez ! Tenez, laissez-moi vous dire : ce secret m’étouffe.

Madame de Martainville parlait d’une voix si singulière que Michel en fut vaguement effrayé. Il y trouvait des accents de la Suzanne d’autrefois.

— Voyons, ma cousine, calmez-vous. Quel secret peut vous peser si fort !

— Écoutez-moi !

Et la jeune femme raconta, sans pallier ses torts, le rôle joué par elle dans le drame qui avait failli briser à jamais la vie des Jofriau. Michel fut d’abord incrédule, mais les détails donnés par la narratrice, le convainquirent de la réalité de ce qu’il entendait. Il fut stupéfié ; ses yeux agrandis regardaient Suzanne sans comprendre. Petit à petit, il pénétra le sens des paroles qu’elle venait de prononcer. Les souffrances endurées, l’admirable résignation dont sa Josette avait fait preuve, sa propre séparation d’avec ceux qu’il aimait, la tristesse de ses petits enfants, il revit tout cela en même temps que la part dont il était redevable à sa cousine. Un mot d’elle, un simple message lui disant le passage d’Arnold et ce qu’il portait dans sa valise, et les terribles années qu’il venait de vivre lui auraient été épargnées. Il s’éloigna brus-