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LE NOTAIRE JOFRIAU

cheveux blanchis, toute sa personne amaigrie et vieillie. Des remords éprouvés déjà, et qu’elle s’était efforcée d’étouffer, l’envahirent de nouveau, plus cuisants. Elle réalisa l’odieux de la vengeance qu’elle avait tirée de ce qu’elle imaginait avoir été les dédains de Michel pour son amour. Et l’infamie du silence obstinément gardé par elle sur la brève hospitalité donnée à l’anglais et la découverte qu’elle fit alors, lui apparut fulgurante, tandis que parlait leur visiteur. Un ardent désir d’expiation surgit en elle, l’incitant à avouer sa faute à celui qui en avait tant souffert. Les deux hommes causaient amicalement quand le cor, sonnant le rappel des soldats et des officiers de la garnison, força le commandant à quitter son hôte. Michel voulut également se retirer, mais Suzanne le retint :

— Demeurez un peu, mon cousin, le bateau ne lève pas l’ancre d’ici une couple d’heures, vous partirez pour ce moment.

Michel se rendit à ce désir exprimé d’une voix implorante.

— Je veux bien. Il me plaît vraiment de vous revoir.

— Oh ! Michel, ne me dites pas des choses aimables ; je ne le mérite pas.

— Mais c’est vrai. Près de vous, le souvenir des bons jours de Rouen, affaibli par les affres de ces deux années, me revient agréable et doux.