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LE NOTAIRE JOFRIAU

amoncelés, brandit un poignard, tandis que de l’autre main, il s’emparait de l’argent, faisant table nette. Prickett, échauffé par la liqueur et pris de colère furieuse, s’élança sur lui et le saisit à la gorge. Il allait triompher de son adversaire et le terrasser quand il s’écroula, râlant, grièvement atteint par le stylet. Ceux qui l’entouraient, terrifiés, pensèrent d’abord à l’abandonner pour se mettre eux-mêmes en sûreté. Moins inhumain, celui qui avait entraîné le jeune homme en cet endroit de débauche les retint. Une pensée traversa son cerveau dégrisé par le drame. Il se souvint, pour y avoir été secouru lui-même, que des femmes charitables et dévouées recueillaient les malheureux et les indigents, tout près de là. Il proposa d’y porter Prickett. Ses compagnons acquiescèrent et allèrent déposer le blessé sur le seuil de la maison de madame d’Youville. Puis, repris de terreur, ils s’enfuirent se faufilant le long des murs après avoir frappé de grands coups dans la porte.

Les pieuses femmes, réveillées par le bruit et se doutant qu’une détresse les appelait encore, s’empressèrent d’ouvrir. Elles virent un homme qui gisait sur le sol, inanimé et baignant dans son sang. Pleines de pitié, elles le relevèrent, le placèrent sur un lit et l’une d’elles, s’étant rendu compte de sa blessure, le pansa avec douceur et dextérité. L’admirable fondatrice, qu’une lésion inflammatoire clouait sur une chaise d’invalide, depuis six ans, se fit conduire auprès du moribond. Elle renvoya ses sœurs à