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LE NOTAIRE JOFRIAU

res seront vite passées, maintenant que j’ai la certitude de quitter la Nouvelle-France pour n’y plus revenir jamais !

Il errait par les rues, jetant partout des regards dédaigneux et ennuyés, quand l’aborda un ancien compagnon d’aventures, matelot conduit en cette ville par le hasard des escales. Prickett allait passer outre, mais il s’avisa que la compagnie de ce camarade l’aiderait à tromper les heures d’attente. Il l’accueillit donc et, ayant passé son bras sous le sien, ils partirent ensemble. Les deux copains s’offrirent réciproquement à boire. Et l’autre, sachant Arnold joueur, surtout lorsqu’il avait ingurgité maintes consommations, réussit à l’entraîner dans un tripot. Des trappeurs, revenus d’une saison de chasse, des marins, des coureurs des bois qui y étaient assemblés jouaient un jeu effréné. Les nouveaux venus eurent tôt fait de lier connaissance, et l’un des hommes, avec un rire satanique, mit des cartes dans la main de l’anglais. Hélas ! la volonté d’Arnold sapée par l’eau de vie, fut le nuage léger abandonné à toutes les sautes du vent. Il ne put résister à pareille invite et l’on s’attabla. Les verres furent aussitôt vidés que remplis ; on fit les enjeux ; les pièces de monnaie s’empilèrent et la partie, une partie d’enfer, commença. Ce fut terrible : la convoitise, l’ambition du gain, la rage de perdre montèrent comme une vague déferlante, faisant briller dans les yeux une lueur sinistre. Subitement, l’un des joueurs, excité jusqu’à la frénésie par les écus