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LE NOTAIRE JOFRIAU

les cartes alors en cours, signées par l’intendant, faute d’avoir pu trouver un endroit sûr pour le cacher. Il n’avait plus ainsi de fardeau qui gênait sa marche et pouvait garder sur lui sa fortune sans que personne se doutât de son existence. Sans argent, découragé et plus que jamais repris de sa terrible fièvre, Prickett fut forcé de renoncer à son départ. Le dernier voilier appareilla, vers la fin de l’automne, sans le prendre à son bord. Réduit à passer un autre hiver en Nouvelle-France, il crut opportun de s’en aller vers l’ouest ; il atteignit les grands lacs et s’enfonça dans l’immense pays découvert par Pierre de La Vérendrye. Pour arriver à vivre, lui, le fils du noble lord Prickett, dut se faire, tour à tour, portefaix ou nautefaix ou nautonier au service des trafiquants ou des compagnies qui y faisaient la pêche ou la traite.

Mais aussitôt que parut le printemps, il revint, d’étape en étape jusqu’à Montréal, avec la ferme intention de s’embarquer enfin. Quand il y arriva, les fatigues, les privations, et sa longue barbe le rendaient méconnaissable. Comme il avait aussi changé son nom, il était sûr que nul n’arriverait à soupçonner sa véritable identité.

Immédiatement, il s’entendit avec le capitaine du premier navire partant pour le vieux continent ; un trois mâts levait l’ancre le surlendemain.

— Encore deux jours ! se dit-il ; moi qui attends depuis si longtemps. Mais bah ! quarante-huit heu-