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— Et c’est que M. Blaise le laisse faire ! Il s’est laissé embrasser ! on aurait dit qu’il voulait rendre à M. le comte son gros baiser ! Pour un rien, il lui aurait sauté au cou.

— La morale de tout cela, c’est que M. le comte l’a pris en gré, que M. Jules en a fait autant, qu’il va être le maître à la maison et que nous n’avons qu’à bien nous tenir et à tâcher de nous en faire un ami. Nous aurons par lui tout ce que nous voudrons, sans avoir l’air d’y toucher.

— Bah ! bah ! ça ne va pas durer longtemps ; tout ça n’est pas franc du collier ; l’année dernière il fait cinquante infamies, et cette année le voilà un sage ! un saint ! Nous allons voir d’ici à peu quelque tour de M. Blaise, et il se fera chasser ; ainsi soyons sur nos gardes ; ne nous découvrons pas trop. »

Comme ils allaient se séparer pour retourner à leur ouvrage, Blaise parut à la porte et dit que M. Jules demandait qu’on allât au village chercher un demi-cent de jolies billes pour s’amuser.

« Tout de suite, mon petit Blaise ; j’y vais, dit un des gens. J’en apporterai un cent.

— Non, non ; un demi-cent, m’a dit M. Jules.

— Un demi-cent pour lui, un demi-cent pour toi, mon petit Blaise.

— Pas pour moi, monsieur ; je n’en veux pas ; je n’aurais pas de quoi les payer.