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possédait son affection. Dans sa détresse, le malheureux comte se retourna comme pour chercher du secours ; il aperçut Blaise, toujours immobile, debout à la porte ; les domestiques étaient tous sortis.

« Blaise, mon ami, dit à mi-voix M. de Trénilly, c’est Dieu qui t’envoie. Viens m’aider à guérir le cerveau malade de mon pauvre Jules. Viens ; c’est le remords qui le tue ; le remords du mal qu’il t’a fait. Dis-lui que tu lui pardonnes ; et dis-moi aussi que tu me pardonnes. Dieu te venge en m’éclairant. »

Le comte tendit la main à Blaise, qui voulut la baiser, mais le comte, l’attirant, le serra contre son cœur.

« Blaise, Blaise, prie Dieu qu’il nous pardonne, qu’il ne m’enlève pas mon fils, qu’il lui ouvre les yeux comme il me les a ouverts à moi, qu’il lui donne le temps du repentir ; qu’il puisse réparer le mal qu’il t’a fait ! Blaise, mon enfant, prie pour nous, toi qui sais prier. »

Et le comte tomba à genoux près du lit de Jules, dont les fréquents gémissements, les paroles entrecoupées lui brisaient le cœur.

Blaise, lui aussi, se mit à genoux, près du comte ; il pria et pleura ; sa prière fervente et généreuse obtint du bon Dieu un léger adoucissement aux souffrances de Jules ; quand le comte se releva, Jules dormait d’un sommeil assez calme.