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je n’entends sortir de sa bouche une parole de bonté, de remercîment ! Toujours des reproches, des injures, de l’ingratitude !… Mon Dieu, mon Dieu, ajouta-t-il en redoublant ses sanglots, pardonnez-moi ces murmures ; que votre volonté soit faite et non la mienne. Corrigez ce pauvre M. Jules, changez son cœur, rendez-le bon et charitable pour que je puisse l’aimer comme je le voudrais et le servir avec affection comme mon bon petit M. Jacques. — Mon bon, mon cher petit monsieur Jacques, pourquoi êtes-vous parti ? j’étais si heureux avec vous, je vous aimais tant !… Mais… dit-il en séchant ses larmes, pourquoi ce chagrin ? ne devrais-je pas me trouver heureux de souffrir pour expier les fautes que je commets et pour ressembler à Notre-Seigneur ? Voyons, pas de faiblesse… du courage !… Je vais laver mes yeux dans l’eau du fossé et je vais reprendre ma gaieté. C’est que M. Jules a raison ! Il est très-vrai que je suis un imbécile. S’il a brisé ce cerf-volant, ne voilà-t-il pas un grand malheur ! J’en referai un autre demain… L’autre n’était pas joli tout de même, se dit-il en souriant ; les peintures étaient toutes drôles… C’est naturel, je ne sais pas peindre. Allons, j’y vois clair maintenant ; j’ai été tout bonnement vexé de n’avoir pas été admiré ; c’est de l’orgueil tout cela. Ce soir, en me couchant, j’en demanderai pardon au bon Dieu. »