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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Kermadio, i3 décembre 1870.


Chère enfant, je te prie en grâce de ne pas te désoler ni te décourager comme tu le fais ; aye plus de confiance en Dieu et en la multitude de prières qui s’élèvent des âmes pieuses et saintes que contient la France et le monde catholique. Il y a certainement beaucoup de mal déjà fait, un nombre considérable de gens ruinés, malheureux, tués même ; mais autour de toi, parmi les tiens, il n’y a encore eu que des terreurs, des inquiétudes ; c’est déjà une preuve que tu es protégée là-haut et un motif de compter sur cette protection divine jusqu’à la fin ; moi, j’y ai pleine confiance ; j’espère et je crois que les Prussiens ne feront à aucun des miens de mal sérieux… Le Pape sera sauvé par la France qui rachètera par son sang glorieux le crime napoléonien… en attendant, courage, espérance, résignation… J’attends la fin de la marche des Prussiens vers le Midi pour envoyer à Jacques ses étrennes qui ne seront pas belles cette année, mais que je ne voudrais pas voir tomber entre les mains des ennemis. J’enverrai aussi à Jeanne, Paul et Françon, le plus que je pourrai. Il n’y a rien à acheter ici ; Laigle est cent fois mieux monté que Vannes… Gambetta vient de décorer ce brigand de Garibaldi ! As-tu su qu’après trois mois d’inquiétudes mélangées d’espérance, on a appris définitivement la mort de ce charmant Emmanuel