Chère enfant, je te prie en grâce de ne pas te
désoler ni te décourager comme tu le fais ; aye
plus de confiance en Dieu et en la multitude de
prières qui s’élèvent des âmes pieuses et saintes
que contient la France et le monde catholique.
Il y a certainement beaucoup de mal déjà fait, un
nombre considérable de gens ruinés, malheureux,
tués même ; mais autour de toi, parmi les tiens,
il n’y a encore eu que des terreurs, des inquiétudes ;
c’est déjà une preuve que tu es protégée là-haut
et un motif de compter sur cette protection divine
jusqu’à la fin ; moi, j’y ai pleine confiance ; j’espère
et je crois que les Prussiens ne feront à aucun des
miens de mal sérieux… Le Pape sera sauvé par la
France qui rachètera par son sang glorieux le crime
napoléonien… en attendant, courage, espérance,
résignation… J’attends la fin de la marche
des Prussiens vers le Midi pour envoyer à Jacques
ses étrennes qui ne seront pas belles cette année,
mais que je ne voudrais pas voir tomber entre les
mains des ennemis. J’enverrai aussi à Jeanne, Paul
et Françon, le plus que je pourrai. Il n’y a rien à
acheter ici ; Laigle est cent fois mieux monté que
Vannes… Gambetta vient de décorer ce brigand
de Garibaldi ! As-tu su qu’après trois mois
d’inquiétudes mélangées d’espérance, on a appris
définitivement la mort de ce charmant Emmanuel