Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petite bourse restait intacte ; ils avaient vécu toute la journée aux dépens des Gargilier et ils étaient certains de pouvoir continuer leur protection intéressée pendant deux ou trois jours encore.

Innocent et Simplicie pleuraient leurs espérances trompées ; ils étaient humiliés, désolés, et déjà découragés. Les exclamations de Prudence les tirèrent pourtant de leur abattement, et ils admirèrent à leur tour, en longeant les quais, cette longue file de lumières reflétée dans l’eau et ces boutiques si bien éclairées.

Enfin, ils arrivèrent rue de la Clef, 25. La maison était de pauvre apparence ; les Polonais descendirent et demandèrent les logements nécessaires. Il fallut payer d’avance ; Prudence leur remit dix francs, prix des cinq lits nécessaires pour la nuit. On descendit la malle de dessus l’impériale ; on la monta le long de l’escalier sale, sombre et infect qui menait aux logements arrêtés, et on entra dans un appartement composé de deux pièces ; la première était sans croisées et contenait deux lits pour les Polonais. La seconde avait une fenêtre et trois lits pour Prudence et les enfants. On leur apporta leur malle, une chandelle pour eux et une autre pour la première pièce.

« Madame a-t-elle besoin de quelque chose ? demanda la fille.

— Rien, rien, » répondit tristement Prudence.