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veux pas qu’on me méprise, moi et mon bonnet rond, et je parlerai si je veux et comme je veux.

— Bien, la mère ! reprit l’ouvrier à face réjouie. C’est votre droit de vous défendre ; mais tout de même, je pense que mamzelle… Simplicie, puisque Simplicie y a, n’y a pas mis de malice ; la voilà tout effrayée, voyez-vous ; les malicieux ça ne s’effarouche pas pour si peu. N’ayez pas peur, mamzelle ; vous n’êtes pas des habitués de troisièmes, je crois bien. Tenez votre langue et on ne vous dira rien, non plus qu’à ce grand garçon qu’on dirait passé dans une filière, ni à cette brave dame qui veille sur vous comme une poule sur ses poussins. »

La bonhomie de l’ouvrier calma la bonne femme et rassura Prudence, Innocent et Simplicie. Peu d’instants après, le sifflet, la cloche et l’appel des employés annoncèrent l’arrivée du train ; les portes s’ouvrirent ; les voyageurs se précipitèrent sur le quai et chacun chercha une place convenable dans les wagons.

Prudence voulut entrer dans les premières ; les employés la repoussèrent ; dans les secondes, elle fut renvoyée aux troisièmes, dont l’aspect lui parut si peu agréable qu’elle commença une lutte pour arriver du moins aux secondes. Mais les employés, trop occupés pour continuer la querelle, s’éloignèrent, la laissant sur le quai avec les enfants.