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Polonais lui vinrent obligeamment en aide ; l’un se chargea des billets, l’autre du bagage. En quelques minutes tout fut en règle. Prudence remerciait les Polonais qui se rengorgeaient ; ils la firent entrer dans la salle d’attente des troisièmes ; par habitude d’économie, ils avaient pris des troisièmes pour leurs trois protégés comme pour eux-mêmes.

« Comme on est mal ici ! dit Innocent.

— Il n’y a que des blouses et des bonnets ronds, dit Simplicie.

— La blouse vous gêne donc, mamzelle ? s’écria un ouvrier à la face réjouie. La blouse n’est pourtant pas méchante… quand on ne l’agace pas.

— Est-ce que vous préféreriez le voisinage d’une crinoline qui vous écrase les genoux, qui vous serre les hanches, qui vous bat dans les jambes ? » ajouta une brave femme à bonnet rond, en regardant de travers Innocent et Simplicie.

Simplicie eut peur ; elle se serra contre Prudence : celle-ci se leva toute droite, le poing sur la hanche.

« Prenez garde à votre langue, ma bonne femme ; mamzelle Simplicie n’a pas l’habitude qu’on lui parle rude ; son papa, M. Gargilier, est un gros propriétaire d’à huit lieues d’ici, je vous en préviens, et…

— Laissez-moi tranquille avec votre monsieur propriétaire. Je m’en moque pas mal, moi. Je ne