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LES DEUX NIGAUDS.

La vie des habitants de Gargilier s’écoula heureuse et paisible ; Innocent devint un charmant garçon, instruit et bien élevé, grâce aux soins de Boginski. Simplicie grandit, embellit et fut une agréable et aimable personne ; elle devint la femme d’un voisin de campagne dont Innocent épousa plus tard la sœur ; ils vécurent en famille, aimant la campagne, s’occupant de leurs biens et des pauvres, et redoutant Paris. Boginski resta l’ami de la maison et de ses élèves ; il se trouva assez heureux pour ne pas regretter la patrie. Coz acheva aussi sa vie à Gargilier en compagnie de Prudence ; elle finit, après cinq années de refus, à devenir sa femme, parce que ce mariage convenait à ses maîtres. Pendant cinq ans elle avait répondu aux instances de Coz :

« Jamais je ne consentirai à porter un nom que personne ne pourra prononcer. Soyons amis, travaillons ensemble pour la maison, mais restez garçon et laissez-moi demeurer jeune fille. »

Enfin, un jour Coz vint lui annoncer tout joyeux qu’il était reçu citoyen français, et qu’au lieu de s’appeler Cozrgbrlewski, il s’était fait inscrire sous le nom de sa mère : Véniska.

« Maintenant, Madame Prude, vous ne refuserez pas de porter mon nom ?

— Ce n’est pas déjà si joli de s’appeler Véniska, répondit Prudence en souriant.