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LES DEUX NIGAUDS.

autant qu’il lui en faut, et je vous charge d’Innocent, que vous ne quitterez plus. »

Boginski serra la main de M. Gargilier dans les siennes, les baisa à la mode de Pologne, et courut annoncer cette bonne nouvelle à son ami Coz, qui bondit de joie. Boginski voulut écrire lui-même à Mme Bonbeck pour la remercier de ses bontés, et lui expliquer que sa santé, très ébranlée, exigeait le repos et l’air de la campagne.

Mme Bonbeck, furieuse, répondit une lettre d’injures et accusa son frère de lui avoir débauché ses deux Polonais. Deux jours après, Boginski reçut un paquet contenant ses effets, deux habillements tout neufs à sa taille, un violon, de la musique et une lettre ainsi conçue :


« Mon ami,

Vous êtes un brave garçon, c’est moi qui suis une méchante vieille ; vous avez raison de me quitter ; je vous ai rendu malheureux et malade. Je voudrais être bonne, mais je ne peux pas ; la colère m’emporte. Dites à Simplette et à Prude que je leur demande pardon, comme à vous. Quand je serai corrigée, j’irai vous voir ; je crains que ce jour n’arrive jamais. Mon frère me met en rage avec son calme, et ses enfants sont des nigauds qui me font bouillir le sang. Adieu, mon ami ; pensez quelquefois sans colère à votre vieille amie. Ambroisine Bonbeck. »