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tante. Son désespoir fut terrible ; son imagination lui représenta les scènes les plus affreuses ; elle sanglotait, et se tordait les bras.

« Simplette, dit Mme Bonbeck d’une voix radoucie, je t’ai cherchée partout le lendemain de la scène où je t’avais battue ; je ne t’ai pas trouvée puisque tu t’étais sauvée. Boginski et moi nous t’avons cherchée à la pension où l’on ne t’avait pas vue, chez Mme de Roubier, où l’on n’a jamais voulu me laisser entrer, malgré tout ce que j’ai pu faire. J’ai été fâchée de ta fuite ; j’ai craint de te laisser sans autre protection qu’une sotte Bretonne et un rustre Polonais. J’ai vu en retournant à la pension, il y a une demi-heure, descendre de voiture Prude et Coz ; je suis accourue ici, te sachant seule ; je t’ai demandée poliment au concierge, il m’a indiqué ta porte et c’est toi qui m’as ouvert. Maintenant, écoute-moi : je ne veux pas que tu restes à la charge de Mme de Roubier ; je suis ta tante, et c’est chez moi que tu dois demeurer, et tu y demeureras… Oh ! tu as beau gigoter et sangloter, tu y viendras, et tu vivras seule avec moi ; je ne veux pas de Prude, qui te gâte et qui te laisse faire des sottises. Je ne veux pas de Coz, qui a aidé à ta fuite, et je ne veux pas d’Innocent, qui est un sot. Je te promènerai moi-même, je te ferai travailler…

— Et moi, je me tuerai si papa me laisse chez vous !