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Une vingtaine des plus mauvais se jetèrent sur Innocent, qui, les mains jointes, l’air effaré, les yeux larmoyants, les suppliait d’avoir pitié de lui et de ne pas lui faire de mal.

« Je n’ai rien fait, je vous assure que je n’ai rien fait ni rien dit ; je vous en prie, mes amis, ayez pitié de moi.

— Nous ne sommes pas tes amis, tartufe ! tu nous a fait tous punir ; tu vas être puni, toi aussi. »

Et sans écouter ses supplications et ses cris, ils le jetèrent par terre, lui arrachèrent sa redingote et tombèrent sur lui armés chacun d’une règle. Innocent poussait des cris lamentables et demandait grâce ; les méchants garçons, s’animant les uns les autres, le frappaient toujours.

Le groupe qui s’était abstenu de l’exécution commençait à murmurer et à s’émouvoir.

« Assez !… cria enfin une voix qui ne fut pas écoutée.

— Assez ! répétèrent trois ou quatre voix.

— Assez ! » cria le groupe, en chœur sans plus de succès.

Le groupe s’agita, se concerta un instant, et tous, s’élançant d’un commun accord sur les méchants camarades, délivrèrent le malheureux Innocent, dont les vêtements déchirés et les cris pitoyables témoignaient de l’animosité ainsi que de la malice de ses assaillants.