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dépenser de l’argent pour des enfants qui ne demandent qu’à nous quitter ? Nous nous passerons de vous comme vous vous passerez de nous, mes chers amis.

SIMPLICIE.

Mais… vous nous écrirez souvent ?

LE PÈRE.

Nous vous répondrons quand vous écrirez et quand cela sera nécessaire. »

Simplicie se contenta de cette assurance, et commença à réparer le temps perdu, en mangeant de tout ce qu’il y avait sur la table. Innocent aurait bien voulu questionner ses parents sur sa pension, sur son uniforme de pensionnaire, mais l’air triste de sa mère et la mine sévère de son père lui firent garder le silence ; il fit comme sa sœur, il mangea.

Quand on sortit de table, les parents se retirèrent, laissant les enfants seuls. Au lieu de se laisser aller à une joie folle comme à la première annonce de leur voyage, ils restaient silencieux, presque tristes.

« Tu n’as pas l’air d’être contente, dit Innocent à sa sœur.

— Je suis enchantée, répondit Simplicie d’une voix lugubre, mais…

— Mais quoi ?

— Mais… tu as toi-même l’air si sérieux, que je ne sais plus si je dois être contente ou fâchée.

— Je suis très-gai, je t’assure, reprit tristement