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beck avec émotion ; et une autre fois, quand vous manquerez du nécessaire, venez me le dire. Je ne laisserai pas dans le besoin des créatures humaines chassées de leur pays par un abominable Néron. »

Boginski et Coz essuyèrent du revers de la main (ils n’avaient pas de mouchoirs) les larmes de reconnaissance qui coulaient malgré eux ; Mme Bonbeck se moucha deux ou trois fois, fit une pirouette :

« Allons, allons, s’écria-t-elle avec gaieté, nous voici à même de trouver la chose introuvable, dit-on : la chemise d’un homme heureux. Je veux que dans ma maison toutes les chemises soient des chemises de gens heureux.

— Ce ne sera pas toujours la mienne, dit Simplicie à mi-voix.

— Ni la mienne, ajouta Innocent de même et en soupirant.

MADAME BONBECK.

Qu’est-ce que vous marmottez là-bas, vous autres ? Pourquoi soupirez-vous ? Je veux qu’on rie, moi ; je veux que tout le monde soit heureux.

INNOCENT.

Ma tante, je soupire parce que je ne suis pas heureux, et je ne suis pas heureux parce que je vis éloigné de vous dans cette horrible pension où je m’ennuie à mourir.

MADAME BONBECK.

Qu’est-ce que je te disais, mon garçon ? Tu as