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dissimulé, toi ; et tu vas me dire pourquoi Coz est si rouge.

INNOCENT.

Ma tante, c’est parce qu’il a voulu se faire beau et qu’il a tellement serré sa cravate, qu’il suffoque et qu’il en sue.

MADAME BONBECK.

Merci, mon ami ; et toi, grand imbécile, veux-tu lâcher ta cravate tout de suite ! A-t-on jamais vu une sottise pareille !

Coz ne répondait pas ; il était stupéfait de l’invention d’Innocent et il n’éprouvait nullement le besoin de dénouer sa cravate.

« Entêté ! coquet ! s’écria Mme Bonbeck en se levant de table et se dirigeant vers Coz. Attends, mon garçon, je vais te faire respirer librement. »

Elle saisit le bout de la cravate de Coz, qui, voulant se dégager, tira en arrière ; la cravate se dénoua et resta dans les mains de Mme Bonbeck ; on vit alors, à la grande confusion du pauvre Coz, qu’il n’avait pas de chemise et qu’au bas de la cravate était attaché un morceau de papier formant devant de chemise. Mme Bonbeck s’aperçut la première du dénuement du malheureux Polonais.

« Pauvre garçon ! dit-elle. Pourquoi ne m’avez-vous pas dit que vous manquiez de linge ? Et vous, Boginski, êtes-vous aussi pauvre que Coz ? »

Boginski ne répondit pas, rougit, et baissa la tête.