Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils marchèrent longtemps et toujours droit en avant. Ils étaient arrivés sans le savoir aux Champs-Élysées ; c’était pour eux un spectacle magnifique ; les voitures, le beau monde, les petites boutiques, les jeux divers, les Guignols et autres théâtres leur causaient une admiration telle, que les enfants, oubliant Prudence et Coz, se perdirent dans la foule, et que Prudence et Coz, oubliant les enfants, les perdirent de vue. Innocent et Simplicie marchaient, s’arrêtaient, regardaient ! Ils s’assirent devant un Guignol, et virent tous les crimes de Polichinelle et sa punition par le diable. Comme ou finissait, une femme vint leur demander trois sous par chaise ; ils n’avaient pas d’argent et se retournèrent pour en demander à Prudence. Point de Prudence ; ils étaient seuls.

« Nous n’avons pas d’argent, dit timidement Innocent.

— Comment, pas d’argent ! Et pourquoi venez-vous prendre mes chaises, si vous n’avez pas de quoi les payer ?

— Nous croyions que ma bonne était avec nous.

— Ma bonne ! Voyez donc ce grand dadais qui se promène avec sa bonne ! Tout cela est bel et bon, mon brave garçon, mais il me faut mes six sous, et je saurai bien vous les faire dégorger. »

Innocent et Simplicie regardaient autour d’eux avec frayeur ; la foule les entourait et prenait parti,