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fuyaient devant les moyens qui étaient en bien plus grand nombre ; d’autres se retiraient en montrant les poings et en lançant des ruades à leurs poursuivants.

« Qu’est-ce donc qui se passe ici, pour l’amour de Dieu ? s’écria le maître alarmé. Hervé, tâchez de établir l’ordre, pendant que je tâcherai de mon côté, de savoir ce qui est arrivé. »

Et, s’approchant du groupe qui entourait Innocent, il demanda à Paul ce qu’il y avait et pourquoi Innocent était dans ce déplorable état.

« Monsieur, répondit Paul avec force et avec calme, vous savez que jamais je ne dénonce aucun de mes camarades, mais aujourd’hui je me croirais coupable si je vous cachais la vérité. Par suite de la dénonciation de Gargilier contre Léon Granier, celui-ci a juré avec Georges Crépu et Alamir Dandin de se venger de ce pauvre garçon, qui ne connaissait pas les usages des pensions, et qui croyait sans doute agir loyalement en disant la vérité. Ils ont attendu un moment où l’absence de M. Hervé donnait le champ libre à leur vengeance, ils ont pressé Gargilier, et d’une manière inusitée, car jamais nous ne prolongeons cette punition au delà d’une plaisanterie plus alarmante que pénible. Malgré sa terreur, ses cris et ses supplications, ils l’ont pressé jusqu’à ce qu’il fût hors d’état de se défendre. Moi et mes camarades, nous nous sommes précipités pour