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trolenka, des Russes, de Varsovie, au grand amusement des soldats, qui le prenaient pour un fou.

Quand la boue fut enlevée, que les habits furent à moitié sèches il courut chercher un fiacre, y fit monter la bonne et les enfants, et s’y plaça près d’eux en donnant au cocher l’adresse de la pension des Jeunes savants. Prudence avait fait force remerciements et révérences aux soldats, qui riaient sous cape de l’aventure burlesque des pauvres provinciaux. Le cocher fouetta ses chevaux, la voiture se mit en marche. Personne ne parlait. Le Polonais avait bonne envie de leur reprocher leur toilette et leur tenue ridicule, causes du tumulte, mais il jugea prudent de se taire. Prudence aurait bien voulu reprocher au Polonais son attitude trop pacifique vis-a-vis des gamins, mais elle avala ses remontrances tardives et inutiles. Innocent aurait volontiers réprimandé le Polonais et Prudence, mais il n’osa exprimer son mécontentement. Simplicie aurait de grand cœur témoigné ses regrets d’avoir quitté la paisible demeure paternelle, mais elle ne voulut pas avoir l’air de revenir sur un désir si vivement et si longuement témoigné. On arriva ainsi à la pension. Prudence, suivie des enfants et du Polonais et introduite par le portier, qui la priait d’attendre, entra, sans écouter sa recommandation, dans une cour où les pensionnaires étaient en récréation. Prudence, tenant en main la lettre de M. Gargilier, s’avança