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MADAME BONBECK.

Qu’est-ce que c’est que ça, Olenka ?

BOGINSKI.

C’est bataille terrible ; longtemps, 1831 ; moi quinze ans, tué vingt-cinq Russes, puis échappé bien loin et venir en bonne France et avoir trente sous par jour. C’est bon ça. Pas mourir de faim toujours, c’est beaucoup. Pas mourir de froid, beaucoup aussi ; et trouver bonne Mme  Bonbeck, c’est excellent, ça !

— Pauvre garçon ! dit Mme  Bonbeck touchée de cette dernière phrase. Coz, allez nous chercher le plat de viande.

Coz se précipita, disparut et revint presque immédiatement apportant un grand plat de bœuf aux oignons.

Mme  Bonbeck donna chacun une part suffisante.

« Portez à Croquemitaine, mon ami Coz, dit-elle, et revenez vite manger votre part. »

Coz revint plus vite encore, et mangea avec empressement la grosse part que lui avait servie Mme  Bonbeck.

« Sapristi ! quel appétit ! s’écria-t-elle. Vous êtes tous deux de vrais Polonais. C’est égal, je vous utiliserai. Que savez-vous faire, Boginski ?

— Moi faire écritures comme maître ; moi donner leçons musique.

— Musique ! dit Mme  Bonbeck en sautant sur sa