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père ; il devait en profiter plus tard, mais il eut bien de la peine à s’y accoutumer. Les travaux des champs, qu’il aimait par-dessus tout, le faisaient soupirer ; ceux de l’école ne lui plaisaient pas ; il n’avait pas de mémoire ; il comprenait mal les explications du maître, et il avançait lentement.

Un jour, au moment où il partait pour l’école, le père l’appela.

« Viens ici, Lucas ; j’ai besoin de toi pour aller à la Trappe et m’aider à ramener une génisse que je veux acheter là-bas, pour remplacer la vache bringée que tu m’as fait perdre. »

Lucas ne répondit pas, mais il sentit vivement l’injustice de ce reproche.

Ils marchaient en silence ; Lucas, de même que Gaspard, avait peur de son père, surtout depuis l’accusation dont il souffrait, et que le père lui rappelait en toute occasion.

« Tu es devenu diantrement sérieux et ennuyeux », lui dit enfin le père Thomas après une demi-heure de marche.

Lucas garda le silence. Que pouvait-il répondre ?

« Ah ça ! vas-tu marcher ainsi jusqu’à la Trappe, sans seulement desserrer les dents ? dit le père Thomas au bout d’une seconde demi-heure.

Lucas.

Si je ne parle pas, c’est que je n’ai rien à dire.

Thomas.

Tu avais pourtant la langue bien déliée, jadis.