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les aime tendrement ; il est le meilleur des grands-pères, comme il avait toujours été pour Gaspard le meilleur des pères. Il a quatre-vingt-quatre ans, et il a le cœur plus jeune qu’il ne l’avait eu dans sa jeunesse ; il se trouve réellement heureux depuis qu’il a compris l’amour pour son prochain et pour son Dieu. Il répète souvent qu’il doit à Gaspard sa première affection, et à Mina le développement des sentiments de son cœur. Mina et Gaspard s’aiment comme aux premiers jours de leur union. Les affaires de M. Féréor et de Gaspard prospèrent plus que jamais. Gaspard jouit maintenant de son bonheur sans aucune réserve : ses pensées d’ambition ne viennent plus, comme par le passé, jeter l’amertume au milieu de ses joies et de ses succès. Depuis le changement qu’a subi son cœur, il sent que la richesse et les honneurs ne procurent de véritables jouissances qu’autant qu’on les emploie à faire le bien.

Lucas s’est marié il y a deux ans ; sa femme est une bonne, grosse, forte fille, pieuse, active, d’une gaieté constante : ils font un excellent ménage, et ils ont un gros garçon dont Mina a demandé à être la marraine :

« Vous aurez le second, ma mère, disait-elle à la mère Thomas qui revendiquait ses droits ; donnez-moi ce premier enfant de Lucas. N’est-ce pas, mon bon Lucas, que vous voulez bien ? Dites oui, cher frère ; vous m’avez dit tant de fois que vous ne pouvez rien me refuser.