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les narines gonflées, indiquaient le mécontentement.

Mina s’approcha près, tout près du canapé où Gaspard s’était assis ; elle se laissa tomber à genoux près de lui, prit sa main et la baisa.

« Mon ami, dit-elle d’une voix timide, de quoi et pourquoi es-tu fâché ? Tu me fais peur ; je te croyais si bon.

— Pardon, mille fois pardon, ma chère Mina ; je suis un sot, et je ne sais ce qui m’a pris ! N’aie pas peur de moi, je t’en supplie ; je ne recommencerai plus à être sottement jaloux de te voir applaudie par des étrangers. »

La paix ne tarda pas à être conclue, et Gaspard tint parole ; il avait l’habitude de ne pas céder à ses mouvements intérieurs, et il domina sa jalousie. Après le dîner, il fit sa confession à son père devant Mina, qui atténua les torts de Gaspard et s’accusa elle-même d’imprudence. M. Féréor se moqua un peu de Mina, beaucoup de Gaspard, et finit par prier Mina de chanter. Mina se mit au piano, chanta admirablement, et attendit le jugement de son père, qui ne disait rien ; elle se leva, s’approcha de lui, et vit qu’il dormait profondément.

« Il dort, dit-elle tout bas en riant.

— Il est toujours si fatigué, ce pauvre père ! Le soir il n’en peut plus.

— Eh bien ! mon ami, causons ; nous avons tant de choses à nous dire. »