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Elle dit oui pourtant, car la terreur que lui inspirait son père ne lui permettait pas de reculer.

Quand la cérémonie fut achevée, Mina se retira sans même lever les yeux sur Gaspard, mais après avoir salué M. Féréor. Personne ne parlait ; M. Féréor et Gaspard remontèrent dans leur voiture pour aller à l’église et y recevoir la mariée.

« Elle est charmante, dit M. Féréor.

— Charmante, répondit Gaspard. Je ne reviens pas de ma surprise.

M. Féréor.

Et quelle voix douce et suppliante, quand elle m’a demandé d’avoir pitié d’elle !

Gaspard.

Elle vous a demandé d’avoir pitié d’elle ? Quand donc ?

M. Féréor.

Quand je l’ai embrassée. Pauvre petite ! Elle a un air craintif qui annonce qu’elle n’est pas heureuse. Quel dommage qu’une si charmante créature soit vouée au malheur ! »

Gaspard ne répondit pas ; sa conscience commençait à s’agiter ; lui aussi avait pitié d’elle.

Le sentiment de dévouement et de reconnaissance qui l’avait fait consentir à accepter ce mariage pour assurer la tranquillité de son père, en assurant l’avenir de l’usine, l’avait un instant égaré. Il n’avait pas songé à la triste existence qu’il préparait à cette pauvre jeune fille sacrifiée