Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réor ; il retira sa main, et embrassa Mina sur ses deux joues fraîches et roses.

« Merci, mon père, dit Mina à voix basse ; ayez pitié de moi, et pardonnez-moi d’entrer de force dans votre famille. »

M. Féréor l’embrassa une seconde fois.

Gaspard ne pouvait revenir de son étonnement. Cette femme qu’il s’était représentée laide, commune, décidée comme un gendarme, se trouvait être une toute jeune fille de seize ans, jolie, belle, gracieuse, modeste, craintive ; elle devait être intelligente, d’après l’apparence de sa physionomie.

La surprise de Gaspard fut si évidente, que M. Féréor ne put s’empêcher de sourire. Le maire était arrivé, il était en place, il attendait ; Gaspard s’avança pour se mettre à côté de Mina. Quand le maire demanda à Gaspard s’il consentait à prendre pour épouse Mlle Mina Frölichein, il répondit oui d’une voix mal assurée ; et quand Mina dut donner aussi son consentement, les larmes lui coupèrent la parole ; elle fut quelques instants avant de se remettre et pouvoir prononcer le oui qui devait l’enchaîner pour la vie, du moins d’après la loi, à un homme qu’elle ne connaissait pas, qui lui avait témoigné une indifférence et même une répugnance marquées, duquel elle ne pouvait espérer la moindre affection ni le moindre bonheur, et qui, en ce jour même de leur union, n’avait témoigné aucun désir de la voir, de lui parler.