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C’est un sacrifice que je vous ferai avec une véritable joie, et dont, au reste, je profiterai comme vous.

M. Féréor.

Mon fils, mon cher fils, pense donc que lorsqu’on se marie, c’est pour la vie. Tu ne connais seulement pas cette femme ; nous ne l’avons jamais vue, elle peut être laide, bête, méchante, maussade, bossue, peut-être ! Qui sait ?

Gaspard.

Tout cela ne m’effraie pas, mon père ; si elle est laide, nous ne la regarderons pas ; si elle est bête, nous ne lui parlerons pas ; si elle est méchante et maussade, nous la mettrons à part et nous ne nous en occuperons pas. Vous remplacerez la femme que je n’aimerai pas, et l’usine remplacera les enfants que je n’aurai pas, j’espère. Vous voyez que nous continuerons à vivre très heureux entre nous deux.

M. Féréor.

Allons, puisque tu le veux, j’accepte ton sacrifice, mon cher fils ; et je ne te dissimule pas que tu combles mes vœux en acceptant ce mariage, dans l’intérêt de notre invention et de notre repos. Je te donne pour dot la moitié de ce que je possède, en t’imposant pour seule condition que tu ne me quitteras pas et que nos affaires seront toujours en commun, sans que l’un de nous puisse faire une entreprise sans le consentement de l’autre.