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Juge combien je lui dois de reconnaissance, et vois que de ménagements j’ai encore à garder pour ne pas perdre ce que j’ai si péniblement acquis.

Lucas.

Quels ménagements ? Personne ne peut t’empêcher de rester le fils adoptif de M. Féréor ?

Gaspard.

Oui, sans doute, mais il peut faire de moi un fils déshérité, et je dois, pour éviter ce malheur, continuer à lui complaire en tout, à me rendre nécessaire, indispensable, à entretenir par la mienne l’affection très sincère qu’il a conçue pour moi, et qui m’a réellement, agréablement impressionné hier quand il me l’a enfin avouée. Ce pauvre homme ! Il m’a dit que j’étais sa première affection, et je l’ai vu pleurer dans mes bras. Ce triomphe est pour moi aussi agréable qu’inattendu.

Lucas.

Le fait est qu’il ne passe pas pour être tendre.

Gaspard.

Non, il ne l’est pas, et c’est pourquoi j’ai été attendri de le voir pleurer en m’embrassant et en m’avouant qu’il m’aimait. La joie, la surprise, la reconnaissance, et aussi une affection sincère, m’ont attendri à mon tour, et j’ai pleuré comme lui… et je dois dire que ces larmes, les premières que j’ai versées depuis que je suis sorti de l’enfance, m’ont semblé douces ; et il est très vrai