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toi-même, tu n’as su tes lettres que parce que tu t’ennuyais.

Lucas.

Et à quoi ça me servira de savoir cinq lettres ?

Henri.

Un autre jour tu en apprendras cinq autres, et toujours comme ça ; et puis tu sauras lire.

Lucas.

À quoi que ça me servira de savoir lire ?

Henri.

Ça te servira à bien apprendre ton catéchisme, à avoir des prix, à apprendre à écrire.

Lucas.

Et à quoi ça me servira d’écrire ?

Henri.

À écrire des lettres, à faire des comptes. Ça sert bien, va ; je vois ça chez notre maître ; il ne savait jamais le compte de rien, ni foin, ni paille, ni orge, ni avoine. Quoi qu’il arrivait ? On le volait que c’était une pitié. Sa ferme marchait mal ; le blé avait beau rendre, il n’en vendait pas ce qu’il avait espéré. Le foin s’en allait, et tout partait sans lui donner de bénéfices.

Lucas.

Ce n’est pas parce qu’il ne savait pas écrire !

Henri.

Si fait ; car depuis que je sais écrire et compter, il m’emploie tous les dimanches à faire ses comptes, à écrire ses marchés ; il sait ce qu’il a, ce qu’il vend, et il est à l’aise au lieu d’être gêné.