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rant, mais qui veut souffrir encore jusqu’à ce qu’il ait expié tous les péchés de tous les hommes qu’il appelle ses frères.

Et les Juifs n’ont aucune pitié de ses atroces douleurs ; ils veulent qu’il souffre encore, ils veulent l’avilir plus encore par le supplice ignominieux de la croix, et tous rugissent de plus fort en plus fort :

« Crucifiez-le ! crucifiez-le ! »

Pilate, à ces cris, rassemble son courage : « Pourquoi le crucifierai-je, demanda-t-il, puisqu’il est innocent ? Crucifierai-je votre Roi ?

— Nous n’avons pas d’autre Roi que César ! crient les Juifs. Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ! Il s’est dit Fils de Dieu, et selon notre loi il doit mourir ! Si vous le relâchez, vous êtes ennemi de César ! »

À ces paroles, Pilate eut peur et chercha à étouffer la voix de sa conscience. Il monta donc sur son tribunal, qui, suivant l’usage des anciens, était situé en plein air et devant le palais. Il se fit apporter de l’eau, et se lavant les mains en présence de la foule :

« Je suis innocent, dit-il, du sang de ce juste ! C’est vous qui en répondrez !

— Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » s’écria tout d’une voix ce peuple furieux qui avait été jusque-là le peuple de Dieu, et qui, depuis ce jour où il devint assassin de son Dieu, fut maudit comme Caïn, et condamné comme lui à errer sur la terre, méprisé et haï par toutes les nations et dans tous les siècles.

Pilate, croyant se purifier par là du sang innocent de Jésus, le condamna au supplice le plus cruel et le plus infamant de l’an-