Non, dit le Seigneur, je ne détruirai pas la ville, s’il s’y trouve quarante-cinq justes.
— Mais, Seigneur, s’il n’y a en a que quarante, détruirez-vous la ville ?
— S’il y a quarante justes, je ne détruirai pas Sodome, répondit le Seigneur.
— Je vous prie, Seigneur, de ne pas trouver mauvais si je vous parle encore. S’il n’y a que trente justes, que ferez-vous ?
— Si je trouve trente justes, la ville ne périra pas, dit le Seigneur.
— Puisque j’ai commencé, Seigneur, j’oserai continuer. S’il y a vingt justes à Sodome, ferez-vous grâce encore ?
— S’il y a vingt justes, je ferai grâce à cause d’eux.
— Seigneur, ne vous fâchez pas, je vous en supplie, si j’ose vous parler encore. Si vous ne trouvez que dix justes ?
— Si je trouve dix justes dans Sodome, elle ne périra pas, » répondit le Seigneur ; et cessant de parler, il disparut. Abraham retourna chez lui.
Jeanne. Je trouve qu’Abraham a été trop hardi devant le Seigneur ; je n’aurais jamais osé lui demander grâce tant de fois.
Jacques. Parce que tu n’as pas de courage ni de confiance. Puisque le Seigneur est si bon, il ne demande pas mieux que de pardonner ; il savait bien d’ailleurs qu’Abraham demandait par charité et pas pour lui-même.
Jeanne. C’est égal ; s’il s’était fâché !
Jacques. Eh bien ! Qu’est-ce qu’il aurait fait ? Il aurait dit à Abraham : « Laisse-moi tranquille ; tu n’es jamais content ; tu m’ennuies. » Au fond il n’aurait pas été fâché contre Abraham, qui était un excellent et saint homme.
Grand’mère, souriant. Non-seulement un saint homme, mais un grand Patriarche, un béni de Dieu, le père du futur peuple de Dieu. Pourtant, je comprends, comme dit Jeanne, qu’il lui ait fallu un grand courage pour faire tant de demandes ; aussi