devant de son père à la tête de ses jeunes compagnes, toutes dansant et chantant.
En l’apercevant, Jephté fut pénétré de douleur, et fut obligé de révéler à sa fille la promesse qu’il avait faite au Seigneur. Vous jugez de la consternation, de la désolation de la malheureuse fille et de ses compagnes ; mais, voyant le désespoir de son père, cette fille courageuse l’exhorta à tenir sa promesse : elle lui représenta que c’était évidemment la volonté du Seigneur et qu’elle était prête à accomplir le vœu de son père.
« Mon père, ajouta-t-elle, accordez-moi une seule grâce. Laissez-moi demeurer deux mois encore avec mes compagnes. Je prierai le Seigneur de me donner le courage nécessaire pour vous quitter, pour abandonner l’espérance d’avoir une famille et me consacrer pour toujours au service du Seigneur. »
Le malheureux Jephté lui accorda ces deux mois qu’elle demandait ; elle les passa à pleurer avec ses compagnes et à prier le Seigneur. Elle revint auprès de son père après ce temps, calme, résignée et prête pour le sacrifice.
Jacques. C’est très-beau à elle, mais il ne s’agissait donc pas de la faire mourir ?
Grand’mère. Non, cher enfant ; il n’était question que de la consacrer au service du Temple, comme font maintenant nos religieuses quand elles quittent leurs familles pour se consacrer au service de Dieu.
Jacques. C’est égal, je ne trouve pas que le courage de cette pauvre fille diminue la faute du père. Et si j’avais été le bon Dieu, j’aurais déposé ce méchant père, et j’aurais fait régner sa fille à sa place.
Grand’mère, souriant. Je ne sais, cher enfant, si tu aurais bien fait, mais je crois que la fille eût été un triste juge, un fort mauvais général, et qu’elle eut été très-malheureuse au milieu de ce peuple désobéissant, méchant, insupportable et toujours mécontent