pour le revendre en Égypte comme esclave ; il avait alors dix-huit ans.
Henriette. Quels abominables gens que ces fils de Jacob ! Et comment croyaient-ils pouvoir expliquer à Jacob l’absence de Joseph ?
Grand’mère. Tu penses bien que de pareils scélérats ne se sont fait aucun scrupule de mentir. Avant de jeter l’infortuné Joseph dans la citerne, ils lui avaient ôté sa robe de couleur ; ils tuèrent un chevreau, ils trempèrent la robe de Joseph dans le sang du chevreau et l’envoyèrent à Jacob par des serviteurs, en lui faisant dire : « Voici ce que nous avons trouvé ; voyez si ce n’est point là la robe de votre fils. »
Pendant la nuit, Ruben était revenu près de la citerne pour en retirer Joseph, et, ne l’ayant plus trouvé, il eut un violent chagrin, et reprocha à ses frères l’abominable action qu’ils avaient commise en vendant leur frère aux marchands étrangers.
Louis. Il était bien temps de se désoler, après avoir lui-même voulu le tuer ; ce Ruben était presque aussi méchant que les autres.
Grand’mère. C’est vrai, mais du moins lui s’était repenti à temps pour sauver Joseph ; il ne prévoyait pas que ses frères seraient assez cruels pour vendre leur malheureux frère comme esclave.
Quand Jacob reçut la robe de Joseph, il la reconnut ; la voyant pleine de sang, il s’écria : « C’est la robe de mon fils ! Une bête cruelle l’a dévoré ! Une bête a dévoré mon bien-aimé Joseph ! » Et il entra dans un violent désespoir ; il déchira ses vêtements, et couvrit sa tête de cendre, ce qui était chez les Juifs le signe d’une grande affliction.
Quand ses fils revinrent, ils le trouvèrent dans cette grande douleur, pleurant sans cesse et ne voulant pas recevoir leurs consolations. « Non, leur disait-il, retirez-vous ; je pleurerai toujours jusqu’à ce que je meure du chagrin que me cause la mort de mon fils. » Et il ne cessa de pleurer jour et nuit.