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lieu convenable pour leurs réunions, et de donner ainsi en quelque sorte un asile aux Muses, appartenait à un poëte qui tient chez nous le premier rang dans un genre cultivé par les plus beaux génies de l’antiquité et des temps modernes.

Malherbe et Corneille étaient ses auteurs favoris. Il avait à Fontenay-le-Pesnel, près Caen, une maison de campagne où il éleva au premier une statue avec cette inscription :


Malherbe, de la France éternel ornement,
      Pour rendre hommage à ta mémoire,
      Segrais, enchanté de ta gloire,
      Te consacre ce monument.


Au milieu de ces goûts simples et de ces douces occupations, Segrais parvint à une vieillesse avancée. Il lut affligé à la fin de sa carrière d’une surdité extrême, qui n’empêchait pourtant pas les personnes les plus distinguées d’aller le visiter, pour le plaisir seul de l’entendre ; car il avait autant d’agrément dans la conversation, que de douceur, de complaisance, de politesse dans le caractère ; il savait une foule d’anecdotes curieuses et les contait bien. Le Segraisiana, recueilli en partie de ses entreliens, renferme, au milieu de quelques faussetés, des traits piquants et des détails précieux sur notre histoire et sur un grand nombre de personnages illustres que l’auteur avait fréquentés.

Segrais mourut le 25 mars 1701, à la suite d’une longue hydropisie. Les consolations de l’amitié et de la religion adoucirent ses derniers momens, et plusieurs poètes distingués s’empressèrent de jetter des fleurs sur sa tombe.