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Nymphe, s’il vous fallait conter tous nos travaux,
Et le cours ennuyeux de tant et tant de maux.
Si de Troie en ces lieux on a su la ruine,
 Troie était ma patrie, et ma haute origine ;
Par les vents, par les mers si longtemps agités,
La tempête en ces bords enfin nous a jetés.
Dans ma flotte, avec moi, j’emporte de Pergame
Les Dieux que j’ai sauvés du fer et de la flamme ;
Je suis le Prince Enée, illustre en piété,
Illustre par mon bras aux combats redouté :
Race de Jupiter, et guidé par ma Mère,
L’immortelle beauté qu’on adore en Cythère,
Je cherche aux bords fameux du grand fleuve Latin
La gloire réservée à mon noble destin.
Sur vingt nefs commença ma course vagabonde,
Je n’en sauve que sept de la fureur de l’onde,
Et d’Europe, et d’Asie éloigné par les mers,
Hors d’espoir de secours j’erre dans ces déserts. »
    Alors l’interrompant par sa douce parole,
La divine Cypris le flatte et le console :
« Crois-moi, qui que tu sois ; ton abord en ces lieux
M’apprend que tu n’es pas désagréable aux Dieux ;
Marche d’un pas hardi vers la ville prochaine ;
Avance sans rien craindre au palais de la Reine ;
Je t’annonce des tiens l’infaillible retour ;
Tes nefs seront au port avant la fin du jour,
Si mon père savant dans les choses futures
Ne m’apprit pas en vain le secret des Augures.
Vois douze cygnes blancs que du plus haut de l’air
Naguère poursuivait l’oiseau de Jupiter ;
Vois comme après le choc, en grand cercle ils s’étendent,
Planent en s’égayant, s’élèvent, puis descendent ;
Et des ailes battant, d’un mouvement léger