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Lorsque passe un vent tiède ils frémissent d’espoir
Et leur sang fait craquer leur écorce rugueuse,
Mais à peine une feuille éclot toute peureuse
Et déjà les reprend le spleen immense et noir.

Jeunes, avoir été d’un orgueil juvénile,
Avoir dressé si haut des bras blancs et nerveux,
S’être mirés dans l’eau, dômes harmonieux,
Et s’y revoir figés en ce geste immobile !

Ils regrettent les soirs vaporeux et subtils
Où des amants liés par des écharpes blanches
Passaient et repassaient à l’ombre de leurs branches
Avec des chuchotis de rires puérils,

Ils regrettent le chant des oiseaux de passage,
Même les lourds chalands qui troublaient le sommeil
De ces flots noirs jadis ruisselants de soleil
Et qu’un brouillard glacé transforme en marécage,