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qui mêle à l’épanouissance de la fleur toute la défloration des sépales encore tendres qui éclatent…

— Alors, que diable fait-elle ici ?

J’ai été grossier. Je le sens. Mais René Leys m’explique les usages : cette fille, cette « jeune fille » (elle n’a pas quinze ans, même à la chinoise qui donne un an au nouveau-né…) cette vertueuse enfant est la concubine future du second fils du Prince T’ai. Elle vit ici, dans la retraite, « pure et secrète » comme dit la très vieille chanson, parmi ses vieilles amies d’école. (Toutes sont lettrées.) Elle reçoit de temps à autre la visite du Prince Protecteur. Lui, voudrait bien transformer en rose rouge, et définitivement, ce bouton à peine formé. Elle, se refuse, et désire rester encore, pour quelque temps, ce qu’elle est.

Je raisonne :

— Le Fils du Prince lésine peut-être sur le prix ?

— Non. Pas ça, reprend René Leys d’une voix coupante et que je connais bien. Lui, est prêt à donner dix mille taëls d’argent. (Dix mille égale l’infini dans le mot chinois…) Mais, voilà, il n’y a rien à faire.

— Enfin, pourquoi ?

Alors, j’entends ceci d’inattendu, d’inespérable : René Leys, premier et unique fils d’Épicier, Professeur d’Économie Politique, me répond sérieusement ceci, que j’accepte sans éclater de rire :